Joe Kodeih face à son Jocon

(04/03/2013) Si l’acteur français Michel Serrault nous apprend que le rire est une bouée de sauvetage, nous pouvons nous estimer heureux de trouver encore des pièces théâtrales simples et intelligentes parmi cet encombrement comique. Vis Ta Vie vous propose une rencontre exclusive avec l’un des rares comédiens Libanais qui méritent leur place sur scène. Voici Joe Kodeih qui se livre sur sa carrière de comédien et sa nouvelle pièce Le Jocon.

 

Joe Kodeih vous êtes né le 3 septembre 1967. Acteur, scénariste ainsi que directeur scénique Libanais, vous avez écrit près d’une douzaine de spectacles joués en Europe, en Afrique, aux États-Unis et également au Moyen-Orient. En plus de vos pièces, vous êtes professeur d’Art dramatique à l’IESAV, à l’ALBA et à Hekme-Lausanne. Sans oublier qu’il vous arrive de temps en temps de partager avec les lecteurs vos critiques d’art dans le journal Dalil An-Nahar.

     VTV : Combien de temps vous a-t-il fallu pour pouvoir percer au Liban en tant que comédien ?

Joe : Ma première représentation scénique remonte au temps de la fac. J’ai présenté ce jour-là en monologue la chanson de Jacques Brel " Ces gens-là". Il faut dire quand même qu’à l’époque, je détestais carrément la scène mais ce premier passage a été une révélation pour moi. J’ai commencé depuis mes études d’audio-visuel qui s’accompagnaient d’un peu de mise en scène, d’écriture et même de jeu scénique. Mais ça n’a pas toujours été facile surtout quand tu commences à faire face aux mauvaises expériences du milieu. À un moment donné, j’ai préféré mettre de côté mon talent de comédien pour me consacrer davantage à l’écriture et à la réalisation des pièces. Jusqu’en 2008 alors que je travaillais sur la réadaptation de Middle Beast, une pièce que j’ai mise en scène et coécrite en 2003, mon ami Ammar Chalak m’a demandé de lui écrire un monologue. Sans hésitation je me suis mis à écrire Hayet El Jagal Saabeh (La vie difficile d’un jigolo). Ammar, qui avait un emploi de temps très chargé, vivait entre deux envols et était donc souvent absent ce qui rendait les répétitions brèves. Beaucoup m’ont encouragé à prendre le rôle ce qui a fini par être le cas malgré le trac insupportable que j’ai de la scène et mes craintes face aux réactions des spectateurs que je connaissais jusque-là en tant que metteur en scène et non en tant qu’acteur. Le jour de la représentation de Hayet El Jagal Saabeh, je ne croyais pas vraiment à mon talent de comédien surtout pour un One Man Show. Heureusement, la pièce a été un énorme succès, et malgré quelques malaises qu’il m’est arrivé d’avoir en direct, je m’en suis toujours sorti sans problème. Ni vu ni connu.  

     VTV : Votre premier grand succès sur scène remonte à "Matar Charles de Gaulle" (L’aéroport Charles de Gaulle) en 1999. Suivi par plusieurs pièces que vous avez parfois écrites et même jouées avec plusieurs grands acteurs, nous citons parmi elles Aal-Yamin (A droite), Al-Takhet (Le Lit), Son Prénom Malgré Lui, The Middle Beast et El-Bagno (La Baignoire). Commencent par la suite les One Man Show : Hayet El Jagal Saabeh (La Vie Difficile d’un Jigolo), Ashrafieh, Ana (Moi), Film Cinama et finalement Le Jocon que vous avez déjà joué au théâtre Monnot. Votre pièce Le Jocon peut paraître comme une comédie qui traite tout simplement d’éléments et situations auxquels nous faisons face dans notre société. Mais ce monologue a un sens bien plus profond que ce que nous pouvons croire. Quel est le message que vous avez tenu à communiquer à travers Le Jocon ?

Joe : Mes pièces, que ce soit Le Jocon ou autres, ne contiennent pas de messages implicites. Je n’aime ni prêcher ni faire des leçons de morale à des gens venus pour se divertir. Le but de mon théâtre est de permettre à chaque personne du public de s’identifier à mon personnage, pouvoir en rire pour mieux le comprendre et en déduire ce que bon leur semble. 

     VTV : Dans la première partie de votre pièce, vous affirmez en vous adressant au psychiatre, ne pas vouloir être "vulgaire". Pensez-vous que la vulgarité vend de nos jours que ce soit au théâtre ou même à la télé ?

Joe : Je pense que oui, sans vraiment être pour ou contre. Mais tout dépend de la façon dont l’acteur présente son rôle. Une situation vulgaire à laquelle tu ajoutes de la dentelle et tu enlèves le contenu crasseux finit par créer le côté humoristique attendu. Prenons comme exemple un film érotique ou sensuel et un film pornographique. Le contenu est le même mais le traitement de la situation est différent.

     VTV : Pendant près d’une heure, vous êtes sur scène dans la lumière face à nous le public plongé dans l’obscurité. Quelle relation entretenez-vous avec les spectateurs présents dans la salle ?

Joe : Au fur et à mesure de mes représentations, une sorte de complicité se tisse entre le public et moi-même. Notre relation est fort heureusement très belle. Jusqu’aujourd’hui, aucun public ne m’a déçu y compris lors de mes représentations que je considère plus difficiles que d’autres et qui dépendent des régions où je me produis. Quand je suis sur scène face à tout ce monde, j’essaie de savourer le moment autant que possible, d’en profiter en sachant que le temps scénique est très rapide.  

     VTV : Et votre relation avec la presse ?

Joe : J’ai de la chance d’avoir eu de très bonnes critiques et de mauvaises également. La presse c’est ce qui te permet de continuer et d’avancer. Ce qui différencie une critique de l’autre, c’est l’intelligence au niveau de l’écriture. Certaines personnes écrivent pour remplir des pages, d’autres sont également dures dans leurs articles mais on comprend tout de suite qu’elles se fondent sur des bases solides, leurs mots ne sont pas lancés gratuitement  ou par méchanceté.  

     VTV : Il est clair que la grande majorité des monologues au Liban est conduite par des hommes. Quelles en sont les raisons ? Où est la place de la femme sur scène ?  

Joe : La question est difficile mais j’espère ne pas paraître sexiste dans ma réponse : la femme a d'énormes atouts scéniques mais également un côté charnel qui est la première cause de son absence du théâtre. Elle sera regardée sur scène d’un œil un peu critique que ce soit par les hommes ou même les femmes, qui cherchent le côté charmant et glamour en elle. Mais cela ne s’applique pas sur toutes les femmes. En même temps, nous n’allons pas comparer le cas du one Woman Show au Liban à celui de la France par exemple. La vision du public diffère.

     VTV : Pensez-vous que le théâtre au Liban arrivera un jour à son âge d’or ?

Joe : Je pense que le théâtre Libanais a vécu son âge d’or et je ne trouve pas qu’il soit aujourd’hui en période de faiblesse. Nous avons déjà eu de très beaux jours de théâtres au Liban durant les années 60 et même durant la guerre. D’ailleurs, on ne peut que respecter les acteurs qui ont permis à la scène de rester présente malgré tous les problèmes. Elle a même été considérée comme espace de rencontre durant la guerre. Tout le monde se retrouvait à cet endroit, sans tenir compte des différences religieuses. Certaines personnes prétendent être les innovateurs et virtuoses du théâtre aujourd’hui, ce qui nous pousse à nous questionner sur l’avenir de notre art.

     VTV : Où vous imaginez-vous dans dix ans ?

Joe : Sous terre (rire). J’espère être encore sur scène mais rien n’est sûr. Je ne jouerai dans des séries télé que si je trouve des propositions intéressantes. Et puis le cinéma me tente, surtout que j’ai deux projets en tête, quoique ce ne soit pas la même passion que j’ai pour le théâtre.

Nous rappelons qu’après les représentations du dernier spectacle de Joe Kodeih, Le Jocon au théâtre Monnot, le comédien sera également sur la scène du Bérythe du 7 au 23 mars pour des représentations supplémentaires de la pièce.

Commentaires

Interview de Joe Kodeih

Romy 06/03/2013
waw ! ça nous touche vraiment, nous les libanais, d'avoir un Vrai artiste comme Joe !
big like :)))

Interview

Leina 04/03/2013
Merci pour les prolongations c'est un vrai artiste joe

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